Le véganisme n’a pas de frontières, et c’est dans le domaine du textile équitable que Vegan France est parti à la découverte de Myriam, jeune femme passionnée par la mode et par la culture végane. Une rencontre qui vaut le détour…
Dans un contexte de mondialisation, où le « Made In Asia » a le vent en poupe, proposer des vêtements fabriqués exclusivement en Europe est un pari audacieux. Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à développer un tel concept?
Après des études dans la mode, j’ai eu l’opportunité de travailler plusieurs années dans la mode, en France, mais aussi au Japon. C’est dans ce pays d’ailleurs que j’ai commencé à entendre parler d’éthique. La communication des grandes entreprises textiles était lisse, et couvrait la plupart du temps une autre vérité, beaucoup plus sombre. Le Made In China était déjà très présent à l’époque, et je ne me posais pas de question. C’est l’association Greenpeace qui m’a ouvert les yeux, à travers plusieurs études concernant la toxicité des vêtements de basse, moyenne… et haute gammes! Un problème de conscience de plus en plus probant s’imposait en moi. Au final, comme les perspectives d’emploi dans le textile équitable était peu fructueuses, je me suis décidé à monter ma propre chaîne de vêtements!
Le véganisme est étroitement lié à votre gamme de vêtements, par le biais du Lin Normand. D’où vous vient ce combat pour la promotion des fibres textiles 100% végétales?
Initialement j’avais commencé mon activité en 2013 en proposant une gamme de vêtements confectionnés avec de la laine. Mon exigence était de travailler uniquement avec des éleveurs ne travaillant pas avec des abattoirs. Progressivement, je me suis aperçu qu’un certain nombre d’éleveurs vendaient leurs moutons pour la laine, mais aussi pour la viande! De plus, beaucoup d’entre eux ne se posaient aucune question d’ordre éthique, alors que la production de laine ne nécessite en aucun cas l’abattage d’animaux. Sans compter la quasi-absence de circuits courts dans ce milieu… En tout logique, je me suis donc tout naturellement tournée vers les fibres végétales, et ce fût une révélation. La plupart des coopératives de lin sont d’ailleurs gérées par quantité de personnes qui partagent mes valeurs éthiques! Je me suis tout de suite senti à l’aise, dans mon élément!
Les points de vente, en dehors de votre site internet, sont étonnement nombreux. Et surtout variés! On y trouve des cafés, des friperies, des locaux associatifs, ainsi que d’autres sites internet… Une manière pour vous de toucher un large public?
Je vends essentiellement via des circuits alternatifs. Faute de moyens, je ne participe à aucun salon professionnel, et n’effectue aucune prospection commerciale. Les points de vente indépendants ont cet extrême avantage de pouvoir choisir leurs marques ; Et ce principe d’indépendance est indissociable de la mode éthique. C’est aussi une histoire d’organisation et de confiance. À chaque collection il faut que je fasse attention à mes marges, et que le point de vente en question accepte de prendre un risque. L’éthique est un véritable engagement!
Votre site internet consacre une large place à divers interviews et enquêtes qui concernent les vêtements véganes. Est-ce important pour vous d’informer les clients avant tout achat potentiel?
La transparence est très importante pour moi, ce qui explique pourquoi tous mes certificats sont affichés sur mon site. La transparence compte également pour le prix de mes articles, bien entendu. Mon concept se calque strictement sur le local, et sur ce qui peut être tracé. C’est l’aboutissement d’une longue réflexion. En ce qui concerne mes différents interviews et reportages, il m’a fallut presque dix-huit mois pour les réunir sur mon site. L’information n’est pas un vain mot, et nécessite une investigation poussée. C’est également une forme de respect envers le client… que toutes les marques devraient adopter.
Le process de fabrication de vos vêtements passe par la France, la Pologne et le Portugal. Il nécessite également l’intervention de plusieurs prestataires, afin de garantir une traçabilité exclusivement européenne. N’avez-vous pas rencontré trop de difficultés pour mettre en place tous les rouages de votre chaine de production?
Si si, ça a été dur, car d’un point de vue éthique beaucoup de prestataires ne souhaitaient pas communiquer sur l’origine de certains de leurs produits. D’un point de vue organisationnel, je n’ai trouvé personne en France capable de tricoter le lin, alors qu’il s’agit d’une espèce endémique! Mais à force de pugnacité j’ai fini par trouver ce savoir-faire en Pologne et au Portugal… donc sans quitter le continent européen!
Avez-vous d’autres ambitions pour l’avenir? Comme développer une gamme de vêtements pour hommes, ou pour enfants par exemple?
Au début de mon activité je me suis lancé dans la confection d’une gamme de vêtements destinée aux hommes, mais travaillant seule, et uniquement avec des indépendants, j’ai dû provisoirement arrêter cette gamme car cela nécessitait quantité de stylistes et prestataires supplémentaires! Mes moyens humains et financiers ne me le permettaient pas. Lorsque l’embauche d’employés sera possible, je pourrais à nouveau me lancer dans l’élaboration de gammes à destination des hommes, mais également des enfants et des nourrissons. À suivre donc…
J’aimerais également participer acquérir les moyens financiers qui me permettraient de participer à des salons professionnels, et multiplier ainsi mes circuits de vente. En 2017 j’ai été, pour la première fois, en situation de bénéfice. Je suis donc très confiante pour l’avenir. Un avenir que seuls les clients soucieux de l’éthique peuvent rendre radieux!
Propos recueillis par Sylvain Bernière pour Vegan France.