Adoptée le mercredi 27 mai 2020, l’amendement français de la loi sur la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires a fait bouger les lignes (cf. plus de détail voir notre précédent article Loi saucisse : amendement sur l’interdiction les dénominations associées aux produits d’origine animale pour les produits végétariens et véganes). Une coalition européenne exceptionnelle composée des principales associations de défense des droits des consommateurs végétariens et véganes et d’associations de défense pour le droit à une alimentation saine et durable a porté plainte. Vegan France Interpro vous apporte aujourd’hui toute la clarté sur un sujet qui touche l’avenir des produits alternatifs aux produits d’origine animale.
La coalition dénonce une atteinte au droit des consommateurs et un vice de procédure
La coalition européenne, composée entre autres des associations européennes SAFE (dont Vegan France Interpro est un membre actif), The Vegan Society, Humane Society, Head of Compassion in World Farming, The Good Food Institude Europe, European Environmental Bureau, VIER PFOTEN European Policy, Eurogroup for Animals et l’European Vegetarian Union, a fait part de ses inquiétudes dans un dépôt de plainte le 14 juillet 2020, peu de temps après l’annonce de l’adoption de l’amendement en France. Elle estime que les dispositions législatives françaises visant à interdire l’utilisation de dénominations « viande » pour les produits à base de plantes sont disproportionnées, protectionnistes et incompatibles avec les règles de l’UE.
De plus, la France n’aurait pas respecté la procédure habituelle administrative auprès des instances européennes, ce qui permet de considérer cette mise à jour de la loi comme non applicable ou irrecevable.
(Joint NGO letter to Commission on French meat names legislation)
1- Des dispositions disproportionnées
La coalition qui a déposé plainte estime que la législation française a adopté une mesure disproportionnée qui portera préjudice aux entreprises. Elle désavantage injustement les producteurs de produits végétaux, au profit des producteurs de viande (qui obtiendraient l’utilisation exclusive de termes tels que « burger » ou « saucisse »). Cette mesure serait très préjudiciable aux entreprises existantes qui ont construit des marques, des portefeuilles de produits et une propriété intellectuelle sur la base de termes qui pourraient faire l’objet de restrictions.
« Une telle mesure serait également inutilement restrictive pour le commerce, désavantageant les entreprises d’autres pays qui souhaitent commercialiser des produits à base de plantes en France. En outre, on peut considérer que l’action législative française constitue un obstacle à la croissance d’un secteur florissant de l’industrie alimentaire. Les produits végétaux répondent aux besoins nutritionnels d’un nombre croissant de consommateurs qui cherchent à réduire ou à éliminer les produits d’origine animale de leur alimentation. » – Extrait de la lettre du 14 juillet 2020 publiée par la coalition.
À cet égard, cette législation française porte atteinte à la stratégie européenne « de la ferme à la table ». En effet, la communication de la Commission européenne sur cette stratégie reconnaît explicitement que « le passage à un régime alimentaire plus végétal, avec moins de viande rouge et transformée et plus de fruits et légumes, réduira non seulement les risques de maladies mortelles, mais aussi l’impact environnemental du système alimentaire ».
La coalition rappelle également qu’il est contre-productif – à l’heure où la Commission européenne cherche à encourager et à promouvoir des régimes alimentaires plus durables – de rendre plus difficile pour les consommateurs (français) d’identifier facilement les analogues de viande d’origine végétale et de choisir des aliments qui ont généralement un impact climatique et environnemental sensiblement plus faible que les aliments d’origine animale.
2 – Des dispositions protectionnistes
La coalition estime qu’il n’y a aucune raison rationnelle ou justifiable d’interdire l’utilisation de dénominations de viande pour les produits à base de plantes. Cela ne peut être considéré que comme une mesure protectionniste préconisée par l’industrie de la viande. Rien ne prouve que les termes traditionnellement utilisés pour désigner les produits à base de viande soient trompeurs pour les consommateurs lorsqu’ils sont utilisés dans le contexte de produits non carnés. En effet, les consommateurs achètent intentionnellement ces articles parce qu’ils ne contiennent pas de viande, de produits laitiers ou d’œufs.
Renommer des noms et des marques n’apporterait aucune clarté supplémentaire aux consommateurs de viande et serait inutilement source de confusion pour les consommateurs de produits non carnés.
3 – Des dispositions incompatibles avec les règles de l’UE
La coalition rappelle également que les mesures adoptées par le gouvernement français consistent essentiellement à donner la priorité aux intérêts des consommateurs de viande par rapport aux consommateurs de produits non carnés. Dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, l’article 40, paragraphe 2, du TFUE stipule qu’il doit « exclure toute discrimination entre producteurs ou consommateurs à l’intérieur de l’Union ». En outre, la coalition est préoccupée par le fait que les mesures françaises sont incompatibles avec les dispositions du règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires.
« Dans le cadre du « Green Deal » européen, il est essentiel que la Commission agisse contre cette législation contre-productive des États membres, qui pourrait ralentir la croissance du marché des produits végétaux à un moment où il convient de promouvoir activement des régimes alimentaires durables pour protéger l’environnement et la santé publique, ainsi que pour lutter contre le changement climatique. » – Extrait de la lettre du 14 juillet 2020 publiée par la coalition.
Réponse de la commission européenne dès le 19/08/2020
Suite à cette plainte, Giuseppe Casella, chef d’unité à la commission européenne, a validé les arguments avancés par la coalition et accusé réception de la plainte. Il est à la charge désormais de la commission de répondre de ces non-conformités. Il est fort probable que la France soit obligée de recommencer une procédure administrative. Une bonne nouvelle selon la coalition. Cette procédure permettrais d’exporter le débat sur la place publique européenne, majoritairement défavorable à ces interdictions.