La France continue d’honorer sa position d’exception mondiale en interdisant les mentions traditionnelles aux produits carnés pour les alternatives à la viande. Cette décision met encore une fois le focus sur le développement rapide de ce nouveau mode d’alimentation qui occasionne depuis ces dernières années la peur chez les acteurs de la viande. Pour certains, cette décision est un frein à la promotion des alternatives végétales, pour d’autres, l’opportunité de créer de nouvelles dénominations définitivement débarrassées de leur lien avec l’exploitation animale. Quelque soit le résultat, les entreprises doivent désormais se conformer à cette nouvelle règle.
L’Assemblée nationale française a adopté le mercredi 27 mai l’amendement N° CE104 présenté par M. Jean-Baptiste Moreau, député dans la Creuse (En savoir +) . L’objectif de ce texte est d’interdire l’utilisation des dénominations d’origines carnées pour les produits d’origines végétales, comme il a été fait pour les produits laitiers avec le lait de soja, le 14 juin 2017. A charge désormais pour le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de préciser les modalités d’application de cette mesure et notamment la liste exacte des termes concernés (steak, saucisse, haché, émincé, fromage, etc.), les entreprises ont encore quelques mois de répit avant de devenir contrevenantes.
Il ne nous sera donc plus possible de trouver nos produits préférés sous le nom de « steak », « filet », « bacon » ou « saucisse » dans la grande distribution et les fabricants devront faire preuve d’inventivité pour continuer à mettre en avant les alternatives végétales.
« Les termes associés aux produits d’origine animale sont aujourd’hui parfois utilisés comme des outils marketing qui trompent le consommateur sur la véritable nature des produits alimentaires. […] Associer ces termes ou utiliser les termes de « lait », « steak » ou encore « fromage » pour décrire, commercialiser ou promouvoir des produits d’origine végétale, qui ne comportent ni viande ni lait ou très peu, est une pratique commerciale trompeuse pour le consommateur. Celui-ci doit avoir toutes les informations nécessaires pour faire un choix conscient qui correspond à ses goûts alimentaires. C’est par ailleurs en encadrant strictement ces pratiques que nous encouragerons le développement d’une offre de produits 100 % d’origine végétale sur le marché. »
– Extrait de l’amendement N° CE104.
Ce sont également les utilisations d’expressions comme le « goût bacon » ou « substituts de saucisse » qui ne seront plus possibles, considérées comme trompeuses (quid des chips goût bacon, sans bacon ?). Cependant, le seul changement réel pour les consommateurs sera la désignation des produits sur les étiquettes. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir concernant la composition ou la place de nos galettes végétales dans les rayons de grandes surfaces. Pour leur identification, cela risque de se compliquer. Il faudra alors se tourner vers les produits certifiés véganes , un repère fiable pour les consommateurs qui veulent s’épargner l’analyse scrupuleuse de la composition.
Souvenons-nous également que ce n’est pas le premier changement de dénominations auquel nous devons nous adapter et que les boissons végétales à base de soja ou de céréales n’ont pas perdu de leur succès pour autant.
Faudra-t-il créer des noms fantaisistes ?
Cette loi est l’opportunité de créer de nouvelles mentions. La chute de la consommation de produits d’origine animale confirme la nécessité de revisiter l’allure de nos assiettes, alors pourquoi ne pas créer de nouvelles formes, de nouvelles appellations traditionnelles végétales. Tout reste à inventer. Alors, faut-il se lancer dans le « disque printanier façon licorne » ou bien « bloubiboulga intergalactique de carottes » ? Qu’en sera-t-il des entreprises étrangères qui ne feront face à cette interdiction qu’en France, devront-elles refaire toute leur communication ? « Steak de petits pois » au Royaume-Uni, « rondinette de légumes » en France….
Mais au fait, pourquoi les alternatives à la viande ressemblent-t-elles à la viande?
Les fabricants de produits véganes manqueraient-ils d’imagination pour créer leurs produits ? On reproche bien souvent aux substituts véganes d’imiter les produits carnés et de faire preuve, ainsi, de manque de cohérence : « ils rejettent la viande, mais veulent la même chose ! ».
Les végétariens et les végétaliens ne renoncent pas à la viande en raison de son aspect et encore moins de son goût, mais pour des motivations éthiques, de protection des animaux et de l’environnement notamment. C’est la composition qui pose problème, pas la forme de l’aliment. Ainsi utiliser la même forme a des avantages industriels et culturels.
Les contraintes industrielles : ce type d’enrobage est la forme d’emballage la plus économique, puisqu’il s’agit de celle qui nécessite le moins de matériel. De plus, comme il existe depuis longtemps des machines à fabriquer des saucisses ou escalopes efficaces, il n’est nullement besoin d’inventer de nouveaux modes de fabrication. Ces formes limitent le contact de la matière avec l’air et favorisent donc une longue conservation, entre autres avantages.
Le conditionnement culturel : nous sommes habitués dès l’enfance à consommer des aliments préparés sous forme de « tube » (saucisse) ou « tranches » (escalopes), ou « croquettes panées » (nuggets). Une fois à l’âge adulte, il devient difficile de cuisiner sans ces repères culturels, que l’on partage avec sa famille et ses amis au quotidien. A tel point que ce conditionnement représente bien souvent le frein le plus important vers le végétalisme. Avoir des alternatives à la viande qui nous permettent de cuisiner comme avant facilite grandement la transition, que l’on reçoive des invités végétariens ou que l’on souhaite diminuer la viande.